Coalition PLUS et le SESSTIM, une collaboration pour rallier les milieux académiques et communautaires

Le SESSTIM (Sciences Economiques et Sociales de la Santé & Traitement de l'Information Médicale), un laboratoire de recherche affilié à l’Université d’Aix-Marseille en France, est un partenaire de longue date du réseau Coalition PLUS. Les raisons de ce partenariat sont multiples : des affinités scientifiques anciennes, la volonté d’ancrer la recherche sur le VIH et les hépatites dans les préoccupations des communautés concernées,  et la volonté de produire des recherches rigoureuses et socialement utiles. Discussion avec Gabriel Girard, sociologue de la santé et chercheur au SESSTIM.

Qu’est-ce que le SESSTIM, sa mission et les enjeux sur lesquels vous travaillez principalement?

Le SESSTIM est un laboratoire de recherche qui regroupe des chercheurs-euses qui travaillent sur la santé publique au sens large - incluant une diversité de disciplines et de méthodes. Ce laboratoire est divisé en trois équipes. C’est l’équipe santé et recherche communautaire qui travaille directement avec Coalition PLUS. Historiquement, notre équipe travaille sur le VIH et les hépatites et a développé au fil du temps une véritable expertise de recherche communautaire. Nous travaillons avec les premiers-ères concernés-es. C’est une marque de fabrique forte avec un réel échange entre nous et les communautés avec lesquelles on collabore.  Notre partenariat privilégié avec Coalition PLUS depuis 2008 est indissociable de ce maillage avec les  communautés.

La recherche communautaire est un processus à la fois scientifique et politique. Scientifiquement, il s’agit de produire des recherches rigoureuses, qui associent les communautés du début à la fin, c’est-à-dire de l’émergence de l'identification des besoins, préalable à l’émergence d’une question de recherche, jusqu’au transfert de connaissances, lorsque les données ont été analysées. Politiquement, l’enjeu est de travailler en confiance, mais en ayant conscience des positions de pouvoir de chacun-e. Cela se vérifie par exemple lors de l’élaboration des budgets de recherche : associer vraiment les communautés, c’est aussi prendre en compte leurs contraintes pour s’impliquer dans la recherche.

L’histoire de la lutte contre le VIH est relativement longue (près de 40 ans maintenant), et cette épidémie se caractérise par la place centrale prise par les premiers concernés dans la définition de l’agenda scientifique et politique. En ce sens, la recherche communautaire est l’héritière des générations militantes qui ont bataillé avec les labos pharmaceutiques au sujet des essais thérapeutiques, ou qui ont poussé les sciences sociales à sortir de leur tour d’ivoire à travers des “recherche-actions”. La recherche communautaire tente de faire la synthèse de tout ça ! Ce n’est pas toujours simple, car chercheurs académiques et organisations communautaires n’ont pas toujours les mêmes priorités, ou encore parce que la recherche impliquée et appliquée est parfois regardée avec mépris dans les milieux universitaires. Mais c’est de ce dialogue et de ces postures originales que naissent les projets de recherche. Aujourd’hui, ces processus collectifs historiquement centrés sur le VIH et les personnes séroconcernées se sont largement ouverts à diverses thématiques dans notre labo : les usages de drogue, la santé LGBT, etc.

Pourquoi est-il important de construire des ponts entre la recherche académique et la recherche communautaire?

Selon moi, faire de la recherche avec les communautés signifie faire de la meilleure recherche : cela nous permet de poser des questions plus fines, d’avoir les bons accès au terrain, de mieux comprendre la réalité des premiers-ères concernés-es, ce qui fait que les résultats finaux sont plus pertinentes et plus justes. Ceux-ci sont également adaptés aux besoins des communautés et peuvent leur être utiles concrètement. Il y a donc une dimension de militantisme ajoutée à la recherche, puisqu’on travaille à faire avancer la justice sociale pour et avec les communautés.

Dans le milieu académique, il existe une tension au sujet de l’objectivité de la recherche :  cette notion est considérée comme centrale par beaucoup de chercheur-euses . Cette vision postule qu’il existe une science “pure”, en surplomb vis-à-vis du monde social.’ Or, on a tous des biais plus ou moins conscients, peu importe le type de recherche que l’on fait. Je trouve de ce fait important de reconnaître la subjectivité des premiers-ères concernés-es et de briser le mythe qui veut que, pour avoir une recherche correspondant à une prétendue neutralité scientifique, ils et elles doivent être objets et non sujets de la recherche. Nous prouvons à chaque recherche que les membres des communautés peuvent être des acteurs-rices de la production de connaissance, qui cherchent à améliorer leurs conditions avec le soutien de méthodes éprouvées.

Malgré son potentiel émancipateur et la justesse de ses résultats, les chercheurs-euses doivent apprendre à composer avec le rythme plus lent de la recherche communautaire. Elle demande de la diplomatie, de l’investissement auprès des communautés et le respect du rythme de celles-ci ; ce avec quoi certain-es chercheurs marqués par des approches plus “classiques” n’ont pas envie de composer..

Pourquoi Coalition PLUS est un partenaire de choix pour le SESSTIM ? Que peuvent ces deux structures s’apprendre mutuellement?

Pour des raisons historiques d’affinités partagées pour la recherche communautaire, d’abord ! Nous travaillons sur les mêmes thématiques depuis longtemps, et avant Coalition PLUS, notre équipe travaillait déjà étroitement avec AIDES. Les parcours intellectuels et militants de Bruno Spire (ancien président de AIDES et directeur de SanteRCom) ou Daniela Rojas Castro (psychologue de la santé, directrice de la recherche communautaire à Coalition) illustrent bien à quel point les trajectoires des uns et des autres sont entremêlées.   Le SESSTIM et la Coalition sont adossés l’un à l’autre : la dimension de mutualisation des expériences et des expertises est précieuse pour les deux organisations.

Grâce à Coalition PLUS, qui constitue aujourd’hui un grand réseau, où la recherche communautaire est très développée, les liens avec les milieux communautaires sont facilités.  Lorsque nous entamons un projet ensemble, nous pouvons très vite entrer en matière, car nous partageons les mêmes bases de travail. Cela permet aussi de croiser facilement les connaissances et les compétences.  Nous nous soutenons mutuellement sur les enjeux de méthodologie, comme cela a été le cas  pour la formation d’intervenants communautaires aux outils de collecte de données qualitatives dans le cadre d’ÉPIC. La formation, menée début 2021 par Marion Di Ciaccio de Coalition PLUS, et à laquelle j’ai contribué, a permis de sensibiliser les membres des associations et de les outiller pour comprendre les tenants et les aboutissants de ces approches.

Sur quels projets collaborent actuellement Coalition PLUS et le SESSTIM ?

Notre plus gros chantier commun est certainement le projet ÉPIC, sur lequel nous travaillons depuis le début de la pandémie de COVID-19. Il s’agit d’un vaste projet structurant, dont les ramifications sont diverses et fascinantes. Dans ce cadre, les membres du SESSTIM jouent des rôles divers : contribution à l’élaboration des questions de recherche et des outils de collecte de données ; soutien logistique pour chercher des financements ; soutien méthodologique ; et par la suite implication dans l’analyse et la valorisation des données !

En 2021, nous avons également mis en place des ateliers de recherche communautaire, qui permettent d’échanger sous forme de webinaire entre chercheurs académiques et acteurs communautaires. Plusieurs thématiques ont été abordées : les femmes et la PrEP ; les méthodes qualitatives, ou encore le passage de la recherche au plaidoyer dans le domaine de l’usage de drogues. Ces ateliers réunissent entre 30 et 60 personnes et permettent de créer une culture de recherche commune. Cela permet à certains participants de connecter entre eux et elles, et pourquoi pas d’élaborer de futurs projets de recherche !

Pour en apprendre plus sur le SESSTIM

visitez leur site web ou contactez Gabriel Girard: gabriel.girard@inserm.fr

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