En 2015, la Malaisie était l’un des premiers pays où le Projet VHC (financé par UNITAID) a été lancé, avec la Thaïlande. Dès que les antiviraux à action directe (AAD) sont arrivés, le but premier du projet a été de les rendre accessibles dans le pays.
Dans cette optique, le Malaysian Aid Council (MAC), membre de Coalition PLUS depuis 2019, a travaillé en collaboration avec Third World Network (TWN), le Positive Malaysian treatment Access & Advocacy group (MTAAG+) et le gouvernement malaisien pour obtenir les licences obligatoires permettant de fabriquer ou d’importer des produits génériques moins coûteux. Anushiya Karunanithy, coordinatrice du projet VHC chez MAC, explique comment l’accès aux traitements de l’hépatite C a amélioré l’ensemble des programmes offerts pour les personnes vivant avec le VHC et les populations clés en Malaisie.
La Malaisie est le seul pays ciblé par le projet ayant obtenu une licence obligatoire garantissant l’accès à des ADDs. Qu’est-ce qui explique cette victoire?
Pour moi, c’est indéniable : la forte mobilisation des acteurs communautaires a été le levier de notre plaidoyer. C’est ce qui nous a permis de changer la donne. L’accès aux traitements était essentiel pour les personnes vivant avec le VHC. J’ai vu et participé à leur lutte pendant plus de 10 ans, j’ai même vu des militant-es mourir au cours de leur combat pour accéder aux traitements.
Pour obtenir les licences, il a fallu un travail colossal de plaidoyer porté par les acteurs-rices communautaires et piloté par MTAAG+, en collaboration avec MAC. Unissant leurs voix, les groupes de mobilisations sont parvenus à soumettre un mémorandum au ministre de la Santé lors de la International Harm Reduction Conference qui s’est tenu en 2015 à Kuala Lumpur. C’est un an plus tard, en octobre 2016, que l’État malaisien a reconnu l’hépatite C comme un problème de santé publique. Et en août 2017, les licences gouvernementales ont finalement été approuvées par le cabinet ministériel.
Les groupes de mobilisation communautaire ont été présents à chaque étape du processus d’obtention des traitements pour s’assurer que les intérêts des personnes vivant avec le VHC ou à haut risque de le contracter soient entendus.
Une fois les licences approuvées, nous avons joué un rôle important pour la mise en place du continuum des services de prévention et de soins pour les populations clés. Aussi, nous savions que l’accès aux traitements devait se faire de manière simple pour les patient-es, au risque de les perdre de vue. Nous avons travaillé étroitement avec le ministère de la Santé pour décentraliser et simplifier l’accès aux traitements afin que les personnes vivant avec le VHC puissent bénéficier de tous les services dont elles ont besoin au même endroit, dans des cliniques de proximité.
Obtenir des traitements a ouvert la possibilité de créer des programmes pour l’amélioration des soins aux personnes vivant avec le VHC. Quelles formations ont été mises en place pour s’assurer que les prestataires de soins soient en mesure d’offrir des services adéquats pour la communauté VHC?
Nous avons eu la chance de pouvoir construire des partenariats multisectoriels avec des professionnel-les de la santé grâce au financement d’Unitaid obtenu avec Coalition PLUS. Comme les groupes de mobilisation communautaire étaient présents depuis le début, nous avons également pu être impliqués dans la formation des professionnels-les de la santé.
Beaucoup d’entre eux et elles n’avaient même pas les connaissances de base ni sur les symptômes et la transmission de l’hépatite C ni sur les modes de dépistage et les traitements disponibles. Bien que nous ayons toujours du travail à faire sur les fondamentaux, surtout avec la covid-19 venue interrompre le processus de formation, nous sommes fiers-ères de ce que nous avons accompli jusqu’à maintenant.
Nous avons collaboré avec des professionnel-les de la santé sur des enjeux d’accès à l’information et aux dépistages pour les populations clés, mais aussi sur le stigma que celles-ci peuvent vivre à l’intérieur même du système de santé. Pour nous, il est clair qu’il s’agit d’importantes barrières à l’accès aux soins sur lesquelles il est essentiel d’agir. Nous avons formé des équipes médicales sur l’orientation sexuelle et le genre, en plus de leur enseigner les bonnes pratiques comme l’approche sans jugement et l’utilisation des noms et prénoms adéquats avec leurs patient-es trans.
Si l’accès aux traitements contre l’hépatite C s’améliore pour la plupart des personnes vivant avec le VHC en Malaisie, ce n’est pas le cas pour les personnes incarcérées. Peux-tu nous en dire plus sur le “Teman Project”, le programme de MAC pour les personnes vivant avec le VHC en prison ?
La population incarcérée en Malaisie ne peut avoir accès ni aux tests, ni aux traitements. Donc on ne peut travailler qu’avec des détenu-es qui ont presque terminé leur peine. Notre but est de les orienter vers les ressources dont ils et elles ont besoin une fois sorti-es de prison, que ce soit pour accéder à un tests ou à des traitements.
Notre programme est sur une base volontaire, c’est-à-dire que les détenu-es sont informé-es de son existence et s’inscrivent eux et elles-même. Nous travaillons étroitement avec les prisons pour s’assurer que nos travailleurs et travailleuses de proximité puissent rencontrer les prisonniers-ères deux fois avant leur libération et deux mois avant celle-ci.
Nous ne fournissons pas seulement un plan de dépistage ou de traitement, nous les amenons également à réfléchir à leur plan de sortie. S’ils ou elles n’ont nulle part où aller une fois libéré.e.s, il y a beaucoup de chances que leur test ou leur traitement ne soit pas une priorité à ce moment-là.
La troisième rencontre de notre intervenant-e avec le ou la détenu-e sera le jour de sa libération. Il ou elle sera accompagné-e pour s’enregistrer pour son dépistage ou son traitement afin de créer un premier contact avec le service de santé. Nous demeurons en lien avec les participant-es du programme pendant six mois. Après quoi, nous les référons à d’autres organismes.
En terme de prévention, il reste beaucoup de travail à faire auprès des populations clés. Alors que l’homosexualité et l’usage de drogue sont illégaux en Malaisie, comment MAC fait son travail de prévention avec une population à risque comme les hommes gays qui pratiquent le chemsex?
MAC regroupe 46 organisations communautaires qui ont déjà bâti des liens de confiance avec diverses populations clés. La plupart de ces personnes travaillant dans ces organismes font ou ont fait partie de ces communautés. Ainsi nous savons sensibiliser une communauté spécifique comme les hommes gays qui pratiquent le chemsex dans une approche de réduction des risques et de non-jugement.
Nous croyons que toute personne, quelles que soient son identité et ses pratiques, a le droit à la santé et de recevoir des soins de qualité. Dans le cadre d’une étude que nous menons sur la PrEP avec des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, nous avons constaté que le taux de personnes positives au VHC était beaucoup plus élevé que le reste de la population. C’est comme cela qu’on a su qu’il fallait en savoir plus sur les hommes gays qui pratiquent le chemsex et qu’il était donc nécessaire de lancer une étude sur cette communauté spécifique.
Sur une note plus personnelle, au-delà de ton rôle de coordinatrice du projet VHC, tu as développé une importante communauté sur le réseau social TikTok. Tu utilises ton compte personnel pour poursuivre ton travail d’éducation sur une foule d’enjeux, dont les droits des personnes trans. Comme la journée de visibilité trans se tient le 31 mars, comment perçois-tu le rôle des personnes trans, et spécifiquement des femmes trans, dans la communauté VIH et VHC?
En tant que personnes trans, nous avons besoin du militantisme communautaire VIH et VHC parce que nous sommes surreprésenté-es dans ces communautés. Ceci dit, nous avons tellement de choses dont nous devons nous préoccuper dans notre communauté. En Malaisie, nous n’avons accès ni à des traitements hormonaux substitutifs ni à des médecins formés sur les besoins des personnes trans qui peuvent être variés. Sans accès, les personnes trans se procurent des hormones par leur propre moyen, sans doses calibrées ou suivi médical approprié, ce qui peut engendrer des complications très graves comme de l’insuffisance hépatique ou rénale.
Nous sommes par contre chanceux-ses d’avoir plusieurs femmes trans fières et fortes qui se battent pour les droits des personnes trans en Malaisie. Je suis également heureuse de voir que des femmes plus jeunes s’investissent et rejoignent le combat. Nous devons continuer d’être à l’avant-garde de la riposte communautaire VIH, VHC et trans.
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