Pour le Pôle Plaidoyer de Coalition PLUS la Semaine internationale du dépistage représente une opportunité de promouvoir l’accès, partout, pour tous-tes, aux solutions innovantes qui existent aujourd’hui pour freiner l’épidémie de VIH. Par exemple, en Afrique de l’Ouest et du Centre, le déploiement de l’autotest du VIH est à la traîne. Bien que la fiabilité de cet outil de dépistage soit scientifiquement établie, plusieurs facteurs en limitent la disponibilité. En cause : le manque de volonté politique et de reconnaissance du travail communautaire. Décryptage de Papa Abdoulaye Deme, responsable du Pôle Leadership & Influence Politique au sein de la direction Plaidoyer.
Pourquoi l’autotest du VIH est-il un outil de prévention particulièrement efficace dans la région de l’Afrique de l’Ouest et Centrale ? Quels avantages offre-t-il?
L’autotest VIH est une approche supplémentaire qui a montré son efficacité dans les stratégies de prévention.
Les autotests permettent premièrement d’obtenir les mêmes résultats que dans les services classiques, mais auprès de populations que ces derniers ne parviennent pas à atteindre. La plupart des données rapportées dans les études et projets pilotes montrent que l’autotest du VIH augmente le recours au dépistage du VIH chez les populations clés ainsi que sa fréquence. Il augmente la probabilité de trouver de nouvelles infections.
Dans l’offre de service, je pense aussi aux personnes qui ont été discriminées par le passé dans des services de dépistage, parce qu’elles utilisent des drogues, exercent le travail du sexe ou encore en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle: ces personnes aussi ont besoin d’accéder au dépistage, mais la discrimination vécue dans les services représente un frein qui les en empêche. Dans ces cas, l’autotest représente une alternative intéressante pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent avoir recours au dépistage en toute discrétion. En parallèle, nous travaillons évidemment sur l’inclusivité des services offerts. L’autotest est ainsi une solution pour contourner la stigmatisation et la discrimination qui avaient pour conséquence un faible taux de dépistage parmi ces catégories citées plus haut.
Le deuxième avantage de l’autotest est qu’il permet l’autonomisation des personnes et facilite l'accessibilité au dépistage. Tout d'abord, il permet à une personne d’effectuer elle-même un test de dépistage du VIH, de la collecte du spécimen à l’interprétation du résultat avec ou sans supervision. Aussi, son accessibilité permet à un travailleur communautaire, qui n’est pas forcément un professionnel de la santé, d’offrir un service de dépistage adapté aux réalités des personnes.
C’est l’occasion pour moi de rendre un hommage aux pairs-éducateurs-trices des réseaux communautaires qui permettent de décentraliser les services et créer la demande pour le dépistage du VIH. Ce sont des intervenant-es formé-es pour soutenir les personnes lorsqu’elles se font dépister avec une approche sans jugement.
Comment notre réseau communautaire peut-il prendre en charge la distribution des autotests, puis le suivi des résultats et l’accompagnement des personnes ?
Les preuves démontrent que les programmes et les politiques sur le déploiement du dépistage produisent les résultats les plus importants lorsqu'ils sont mis en œuvre par les personnes les plus touchées. Coalition Plus apporte cette vérité fondamentale en ce qu’elle place les travailleurs communautaires, particulièrement les pairs éducateurs au cœur de l’approche non-médicalisée du dépistage.
L'autotest doit être distribué de diverses manières pour s'adapter aux besoins des populations clés selon les contextes : vente en pharmacie, mais également distribution durant les dépistages mobiles ou encore mise à disposition dans les locaux associatifs avec délivrance de conseil par les prestataires communautaires.
Cette dernière stratégie de déploiement de l’autotest est la spécialité des travailleurs communautaires qui sont caractérisés par la flexibilité dans leur approche.
La mise en place de l'autotest nécessite la mise en place de mécanismes permettant le suivi dans le soin des personnes dépistées en privé et sans supervision.
Nos réseaux communautaires se spécialisent également dans la prise en charge des cas. Les pairs-éducateurs-trices reçoivent des formations spécifiques, qui ne sont pas médicales, mais bien techniques, afin de pouvoir proposer un suivi et diriger les personnes vers les services communautaires adéquats.
Si l’utilité de l’autotest est démontrée en Afrique de l’Ouest et du Centre et que nos associations sont en capacité d’assurer la distribution et le suivi, quels facteurs freinent l’accès à cet outil de dépistage innovant ?
Malgré son appel à sa généralisation, c’est principalement le fait d’avoir des systèmes de santé non complémentaires avec les approches communautaires, la surmédicalisation des prestations des services liés au VIH et une décentralisation inadaptée des services de santé ne laissant aucune place au déploiement à grande échelle des stratégies communautaires qui freinent l’atteinte des résultats concernant le 1er 95.
La pandémie de COVID 19 a suffisamment démontré que le renforcement de l'engagement des organisations locales devrait aider à favoriser des systèmes de santé et des réponses communautaires durables et résilientes
C’est le manque de volonté politique des décideurs qui nous freine. Ils pensent que les communautaires n’ont pas la capacité d’offrir des services de qualité, et ils se trompent.
Les épidémies de VIH et de covid-19 ont démontré que associations communautaires sont les plus innovantes dans leur offre de services et dans le développement de nouvelles pratiques. Nous devons combattre le manque de volonté politique en prouvant aux décideurs qu’ils ont intérêt à valoriser le travail communautaire.
Malgré les faibles moyens mis à leur dispositions, , les pairs-éducateurs-trices produisent beaucoup de résultats. Ils et elles jouent un rôle important pour combler le fossé dans le dépistage et ne sont même pas reconnus-es ! C’est de la méconnaissance et nous devons travailler là-dessus pour mieux vendre la force des travailleurs communautaires.
Quels leviers comptons nous utiliser pour lever ces barrières ?
Pour nous, la levée de ces barrières passe par l’intégration des pairs-éducateurs-trices dans les systèmes de santé publics. Nous souhaitons que dans chaque établissement, on puisse les retrouver au même pied d’égalité que les autres travailleurs-euses de la santé. Pour ce faire, nous prévoyons de créer une certification afin de les légitimer. Ils et elles sont déjà formé-es et font un travail incroyable, il ne reste qu’à le valoriser. Il faut leur donner l’occasion d’avoir un diplôme et d’être intégrés-es dans les services publics.
A ce niveau, nous interpellons les décideurs nationaux pour une vraie reconnaissance du statut des pairs éducateurs si nous voulons atteindre les objectifs en matière de dépistage, de traitement et de charge virale indétectable.
En cette Semaine internationale du dépistage, quel message souhaitons-nous faire passer aux décideurs?
Les objectifs mondiaux d'élimination du VIH ne seront pas atteints en 2030, si nous n’intégrons pas les travailleurs communautaires dans les systèmes de santé classiques. La reconnaissance du statut des pairs éducateurs est une urgence. On sait depuis très longtemps qu’on a pas besoin d’être médecin pour réaliser un dépistage. Levons donc les barrières qui nous empêchent d’apporter les services nécessaires aux communautés qui en ont le plus besoin!
Sur le travail du Pôle Leadership & Influence Politique, n’hésitez pas à contacter Papa Abdoulaye Deme à l’adresse suivante: pademe@coalitionplus.org
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